Péréquation : le régime financier privilégié incitatif des communes nouvelles validé par le juge s’éteint avec l’adoption de la loi de finances pour 2018
Le statut de commune nouvelle a été créé par l’article 21 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales en vue de favoriser le regroupement de communes, notamment via l’octroi d’une dotation globale de fonctionnement (DGF) à la hausse.
Ce statut peut permettre, au vu de ses caractéristiques (démographie/âge de la population, potentiel financier par habitant, etc.), d’obtenir une dotation de solidarité rurale (DSR) plus importante que celle résultant de la somme des DSR perçues par les communes antérieures. Il en va de même du calcul de la dotation nationale de péréquation (DNP) qui, en outre, ne peut pas être plafonné à 120 % du montant de la DNP perçue antérieurement par une commune. Un doute subsistait toutefois sur l’application ou non de ce principe aux communes nouvelles.
La commune nouvelle pourrait ainsi percevoir plus que la somme des communes antérieures, mais pas moins. Cette affirmation résulte des dispositions de l’article L. 2113-22 du Code général des collectivités territoriales.
Le juge administratif s’est déjà prononcé sur le fait que la DGF d’une commune nouvelle devait se calculer au regard des nouveaux indicateurs de ladite commune nouvelle, selon les dispositifs de droit commun, et qu’aucun plafonnement n’était applicable (TA Caen, 24 mars 2016, n° 1502304, Commune nouvelle de Tinchebray-Bocage).
En effet, a été jugé que le régime particulier aux communes nouvelles pendant les trois ans qui suivent leur création, dont le but est de leur garantir le niveau antérieur de dotation des communes concernées, exclut implicitement mais nécessairement l’application des dispositions du VI de l’article L. 2334-14-1 du CGCT qui limite la variation de la dotation nationale de péréquation d’une année à l’autre (plafond des 120 % précité).
Très récemment, la juridiction administrative a eu l’occasion de réaffirmer sa position dans l’affaire opposant la commune nouvelle de Tinchebray-Bocage à la préfecture de l’Orne. En effet, par un arrêt du 23 février 2018, le tribunal administratif de Caen a rappelé que dans les trois ans qui suivent leur création, les communes nouvelles bénéficient d’un régime privilégié incitatif : leur DGF ne peut qu’être en hausse par rapport à la DGF des communes anciennes. Aucun plafonnement n’est applicable, contrairement à ce que soutiennent les services de l’État.
Malgré cette petite victoire au bénéfice des communes nouvelles, il est à noter que l’article 159 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 ajoute à l’article L. 2113-22 du CGCT un alinéa qui dispose que : « Pour l’application des plafonnements (prévus aux articles L. 2334-14-1, L. 2334-21 et L. 2334-22), le montant perçu l’année précédant la création de la commune nouvelle correspond à la somme des attributions perçues par les anciennes communes. »
Ce qu’il faut en déduire ? À l’avenir, la DGF d’une commune nouvelle sera plafonnée, et ne pourra pas dépasser les attributions de la DGF perçues par les anciennes communes.
Ainsi, le législateur donne raison à l’interprétation actuelle de la juridiction administrative (la préfecture de l’Orne s’étant pourvue en cassation, l’affaire est actuellement devant le Conseil d’État) en confirmant implicitement que ce plafonnement n’était pas applicable aux communes nouvelles les années antérieures, puisqu’inexistant.
Résultat : par la mise en place de mécanisme de plafonnement des dotations de l’État, le législateur a enterré, pour l’avenir, les mécanismes d’incitation financière encourageant la création de communes nouvelles. Et l’on sait bien que seule, ou presque, les incitations financières fonctionnent. L’argent est le nerf de la guerre…
Sources :
- TA Caen, 23 février 2018, n° 1601410, Commune nouvelle de Tinchebray-Bocage
- TA Caen, 24 mars 2016, n° 1502304, Commune nouvelle de Tinchebray-Bocage
- CGCT, art. L. 2113-22