La réforme permanente des concours financiers de l’État

Par Julien Chemoul

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La publication le 10 avril 2017 du décret no 2017-518 relatif aux dotations de l’État aux collectivités territoriales et à la péréquation des ressources fiscales est l’occasion de faire un panorama des concours de l'État aux administrations publiques locales.

Cette question a pris une place prépondérante auprès des décideurs locaux sous la pression de deux mouvements qui se sont succédé dans le temps. Ainsi, dès 1967, l’État a commencé à remplacer certaines recettes fiscales communales par des dotations. L’amplification de ce mouvement liée à une volonté de solidarité des territoires fait que les concours étatiques représentent en 2016 près de 20 % des recettes de fonctionnement des collectivités territoriales (rapport de l’observatoire des finances locales en 2016). Cette perte d’autonomie fiscale fait peser des risques sur l’autonomie financière des collectivités territoriales prévue par l’article 72-2 de la constitution, issue de la loi constitutionnelle sur l’organisation décentralisée de la république du 28 mars 2003. Toutefois, le Conseil constitutionnel a considéré, à propos de la loi de finances pour 2010 supprimant la taxe professionnelle, « qu’il ne résulte ni de l’article 72-2 de la Constitution ni d’aucune autre disposition constitutionnelle que les collectivités territoriales bénéficient d’une autonomie fiscale » (décision no 2009-599 DC du 29 décembre 2009). Le débat sur le terrain de la théorie juridique a donc été tranché. Il demeure ouvert, en pratique, face à l’instabilité normative étatique.

Le choc est alors apparu, lorsque contraints par les critères européens de stabilité économique et l’accroissement des déficits publics, les gouvernements successifs ont décidé de faire participer les collectivités à l’effort de redressement des comptes publics. Ainsi, les concours financiers ont été d’abord contraints en valeur avant d’entamer, en 2014, une période de décroissance. Sur la période 2014-2017, la réduction de la dotation globale de fonctionnement est de 11.5 Md€. Sensible aux arguments des associations d’élus, le gouvernement a réduit la contribution au redressement des finances publiques du bloc communal de moitié pour 2017 passant de 1.45 Md€ à 0.725 Md€.

En conséquence, la dépendance économique croissante des collectivités aux concours financiers de l’État, ainsi que la volonté de ce dernier de faire participer, fortement, l’échelon territorial à l’effort national de réduction des dépenses publiques impacte substantiellement les budgets locaux.

Néanmoins, l’échelon central estime que cette diminution a permis de remettre de l’ordre dans les finances des administrations publiques locales. Il note qu’ « en 2015 le solde des APUL est redevenu positif pour la première fois depuis 2003 » (Annexe au projet de loi de finances pour 2017 – Jaunes budgétaires). Il note qu’elles enregistrent un excédent de 0.7 Md€ en 2015 après un déficit de 4.6 Md€ en 2014. Il ajoute que la diminution de l’investissement local n’est pas directement liée à la baisse des dotations mais aux élections de 2014 et 2015.

Dans ce contexte, la mission des agents territoriaux d’apporter une information financière éclairée relève de la quadrature du cercle.

De plus, la complexification de la matière, ainsi que sa variabilité, s’imposent aujourd’hui à l’administration centrale elle-même qui peine à fournir ces données financières dans un délai raisonnable. Alors que le calendrier de la direction générale des collectivités territoriales prévoyait une communication de la DGF des communes lors de la deuxième quinzaine de mars, celle-ci n’est finalement intervenue que le 6 avril 2017. Cela a pour effet de repousser la date limite de vote des budgets locaux au 21 avril 2017 en vertu des articles L. 1612-2 et D. 1612-1 du Code général des collectivités territoriales. Nous relèverons que le législateur n’a pas tiré toutes les conséquences de ces dispositions. En effet, l’article L. 1612-1 alinéa 3 du CGCT permet l’ouverture anticipée des crédits d’investissements « dans la limite du quart des crédits ouverts au budget de l’exercice précédent ». Or, cette année, une collectivité territoriale pourrait n’avoir un budget exécutoire qu’au 6 mai (date limite de vote au 21 avril et 15 jours de délais de transmission) et donc se retrouver dans la situation inconfortable de ne plus pouvoir mandater ses dépenses d’investissement, faute de crédits disponibles.

Enfin, l’élection du nouveau président apporte une incertitude sur l’avenir de la réforme de la DGF votée en 2016 dont l’application a été reportée en 2017 puis en 2018 et une réforme à venir d’importance sur la suppression de 80 % de la taxe d’habitation qui créera de facto une nouvelle branche de la DGF.

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