Le rapport Richard-Bur met KO l'autonomie fiscale des collectivités
La réforme de la fiscalité locale continue de faire son actualité quasi quotidienne. Après l’avis rendu par le Conseil économique social et environnemental le 10 avril dernier, la mission Richard-Bur a rendu le 9 mai son rapport sur la refonte de la fiscalité locale.
La suppression de la taxe d’habitation à l’horizon 2020-2021 constitue naturellement le point de départ de la nécessité de refonder l’architecture du système de financement des collectivités territoriales.
Les propositions du rapport visent alors à atteindre quatre objectifs :
- « Attribuer aux collectivités des ressources fiscales conformes à l’équité entre contribuables et évitant les distorsions économiques ;
- rechercher une sécurité durable de leurs ressources respectant l’autonomie financière qui leur est garantie ;
- veiller à la cohésion territoriale en prévenant les écarts cumulatifs de richesse ;
- répartir la ressource entre niveaux de collectivités en cohérence avec leurs missions, pour simplifier et responsabiliser ».
La démarche de la commission a été encadrée par trois garde-fous :
- « Ne pas déséquilibrer le poids de cette fiscalité entre les ménages et les entreprises ;
- Ne pas imposer de charges administratives ou de coûts de perception disproportionnés ;
- Ne pas engager l’État et les collectivités dans une transition prolongée qui rendrait la réforme illisible. »
Au niveau doctrinal, et reprenant sur ce point l’avis du CESE, la commission semble clôturer le débat sur l’autonomie fiscale. Elle considère que la notion d’autonomie financière, issue de la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003 et intégrée à l’article 72-2 de la constitution, complétée par les articles LO1114-1 à 4 du CGCT, doit être maintenue. Toutefois, elle estime que les impôts assis sur des assiettes fiscales locales accentuent « inévitablement les inégalités » imposant la mise en place de mécanisme de péréquation à l’efficience mitigée. Ainsi, la commission envisage favorablement l’attribution d’impôts nationaux sur lesquels les collectivités n’ont plus de pouvoir en matière de fixation de taux. Il en ressort que l’autonomie fiscale disparaît des radars de la réforme.
Paradoxalement, la nouvelle délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a publié une communication datant aussi du 9 mai préconisant de « de garantir une définition réaliste des ressources propres en excluant la fiscalité transférée de ces ressources […], consacrer dans la constitution, aux côtés de l’autonomie financière, l’autonomie fiscale de l’ensemble des collectivités territoriales, soit à tout le moins, du bloc communal ».
Au-delà de la suppression de la TH, la commission envisage le plus globalement possible la réforme de la fiscalité locale.
Concernant les départements, elle constate l’inadéquation des ressources, issues des droits de mutation à caractère onéreux (DMTO), avec le financement des dépenses à caractères sociales. Cette recette présente une très forte volatilité et imprévisibilité, du fait de sa dépendance au marché immobilier alors que les dépenses sociales vont continuer à croître à une moyenne de 2 % par an sur la période 2016-2020. En outre, cette recette reflète une profonde inégalité entre les départements. Ainsi, le ratio recettes de DMTO/dépenses d’allocations individuelles de solidarité est de 228 % dans les Hauts-de-Seine et de 5 % dans la Creuse.
Ainsi, la commission propose d’étatiser cette recette et de transférer une quote-part de CSG, à hauteur de 10 milliards d’euros (recettes 2016 de DTMO), et une quote-part de TVA afin de compenser le transfert intégral de la taxe foncière sur les propriétés bâties aux communes.
Concernant les régions, compte-tenu des modifications intervenues en 2018, la dotation globale de fonctionnement ayant été remplacée par une fraction de TVA, la commission estime qu’il n’est pas nécessaire de revoir les ressources leur étant affectées.
Pour les établissements publics de coopération intercommunale, la commission invite, de manière surprise, la taxe pour l’exercice de la compétence de gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations dans le débat. Après analyse, elle considère que cette recette n’est pas « le véhicule de financement le plus adapté à l’exercice de cette compétence ». Elle préconise donc de continuer à réfléchir à une solution de financement en adéquation avec la réalité géographique des bassins versants.
Globalement, les mécanismes de transferts d’impôts nationaux imposent de mettre en place une nouvelle gouvernance entre État et collectivités territoriales. La commission propose ainsi que la conférence nationale des territoires soit le lieu de négociation des attributions pluriannuelles de ces ressources. De plus, le mécanisme devant avoir une certaine stabilité, elle envisage que cette répartition se fasse sur une durée de 5 ans avec une clause de révision d’urgence.
Enfin, en termes de calendrier, il est proposé d’inscrire les premières mesures dans la loi de finances 2019 et une mise en œuvre effective de la réforme avant 2022. Nous constatons ainsi une volonté extrêmement ambitieuse.
La détermination affichée de stabiliser les ressources des collectivités et de les mettre en adéquation avec les compétences exercées doit être relevée. Toutefois, la déterritorialisation de la fiscalité locale et l’abandon de l’idée d’autonomie fiscale ne manqueront d’alimenter les débats législatifs à venir.
Une seule certitude demeure, la saga de la réforme de la fiscalité locale n’a pas fini d’offrir son lot de rebondissements.