« Les collectivités territoriales ont besoin de visibilité et d’autonomie financière »
À l’heure où les collectivités territoriales sont entrées dans la préparation budgétaire pour l’année 2021, comment s’organisent-elles dans un contexte encore marqué par la crise sanitaire et sociale ? Éléments de réponse avec Antoine Homé, maire de Wittenheim et premier vice-précisent de l’Association des petites villes de France.
En cette période d’incertitudes, comment préparez-vous le budget pour 2021 ?
Nous vivons tous une période complexe. En termes de finances publiques, la crise a pesé sur le budget 2020 des collectivités territoriales. Les intercommunalités et les communes ont souffert, car elles étaient en première ligne.
La préparation du budget 2021 s’inscrit dans une conjoncture particulière pour plusieurs raisons. La crise sanitaire nous contraint à anticiper un certain nombre de dépenses supplémentaires, mais aussi des baisses de recettes.
Par ailleurs, 2021 est l’année de l’entrée en vigueur de la réforme de la taxe d’habitation, supprimée pour 80 % des foyers et qui est amenée à disparaître totalement en 2023. Les pertes de recettes des communes sont compensées par le transfert la part départementale de taxe foncière sur les propriétés bâties. Mais c’est la nationalisation de la taxe locale sur la consommation finale d’électricité prévue en conformité avec la règlementation européenne qui nous inquiète. Cette ressource locale moins connue nous fait perdre encore plus d’autonomie fiscale et financière.
Quel impact la crise sanitaire a-t-elle eu sur les finances de votre collectivité ?
Ma commune se situe dans l’Est de la France, un territoire très marqué par la crise sanitaire lors de la première vague de diffusion du virus. Sur un budget de fonctionnement d’environ 12 millions d’euros, on estime entre 300 et 400 000 euros le montant des dépenses supplémentaires liées à la crise. Cela représente quand même 4 à 5 % de notre budget de fonctionnement.
Il y a les dépenses liées à la crise sanitaire : achat de masque, dépenses liées à la sécurité sanitaire de nos agents et aux conditions d’accueil de la population. Mais à la crise sanitaire, s’est ajoutée la crise sociale. Nos dépenses dans ce secteur se sont accrues : le nombre de bons alimentaires distribués par le CCAS a été multiplié par 10. Nous avons vu un renforcement de la précarité, une hausse du chômage. Tout cela pèse sur les budgets sociaux des collectivités.
Par ailleurs, certaines de nos recettes ont diminué parce qu’elles sont sensibles à la conjoncture économique. C’est notamment le cas de la taxe locale sur la publicité extérieure (TLPE), ou encore de la taxe de séjour. Nos recettes tarifaires ont également été impactées avec la fermeture des équipements publics (salle de sport, salles municipales, etc.). Cette perte financière n’a pas été compensée par l’État et pèse sur nos budgets.
Que pensez-vous des mesures prévues par le plan de relance et le projet de loi de finances pour 2021 ?
Le Plan de relance prévoit de laisser les préfets décider de l’affectation des crédits prévus pour chaque territoire. Les collectivités ne seront donc pas décisionnaires dans l’usage de ces moyens. Dans ma commune, j’ai décidé de mettre en place pour 2021 un plan d’investissement substantiel pour participer à la relance de l’économie locale. Il faut investir, faire travailler la commande publique, soutenir la culture, pour lutter contre cette crise économique. De plus, le projet de loi de finances pour 2021 bouscule l’autonomie financière des collectivités avec la suppression de la taxe d’habitation et la baisse des impôts locaux (CVAE, impôts fonciers).
La Dotation globale de fonctionnement, heureusement, restera stable. Aujourd’hui, il faut conforter les finances des collectivités territoriales. Pour cela, une loi de finances dédiées spécifiquement aux finances des collectivités permettrait de mettre en œuvre les conditions d’un débat propre à l’action publique locale. Nous avons besoin de plus de visibilité, mais aussi de préserver nos recettes.