« Les services financiers sont les garants de la cohérence budgétaire »
Alors que le budget de certaines collectivités a été quelque peu bousculé par la crise sanitaire, prenons le temps de faire le point sur le travail de préparation budgétaire mené habituellement par les services des Finances chaque année. Un travail de longue haleine effectué en partenariat avec les services et les élus, comme nous l’explique Fabrice Pierre-Abelé, directeur du budget et des finances du Conseil départemental de l’Oise.
Comment s’organise habituellement la préparation budgétaire ?
La préparation d’un budget est un travail qui s’organise dans le respect des règles financières (la M52 pour le département), avec des outils techniques informatiques et en concertation avec les services de la collectivité et ses élus. Selon la taille de la collectivité, elle peut durer entre deux et huit mois, l’idéal étant de réduire du mieux possible les délais de préparation. On commence souvent à travailler sur le budget à l’automne, avec un vote qui peut intervenir au mois de décembre et au plus tard avant le 15 avril de l’année concernée. Dans mon département, la préparation budgétaire débute avec une lettre de cadrage qui fournit les grandes orientations financières. Cette lettre de cadrage est le résultat du positionnement des élus par rapport aux marges de manœuvre financières que le service des finances leur a communiqué. La lettre de cadrage doit donc traduire des choix financiers issus d’une volonté politique. La seconde étape implique les services de la collectivité qui, à partir de ce document de cadrage, font des propositions chacun dans leur secteur, et traduisent ainsi la réalité du terrain et des besoins. À partir de là, il faut procéder à des arbitrages qui se déroulent en deux temps : un premier temps impliquant l’administration (la direction générale) et un second temps faisant intervenir les élus. Enfin vient le temps de l’équilibre budgétaire mené par la direction des finances qui doit mettre en cohérence les dépenses, les recettes avec les leviers financiers dont elle dispose.
Comment travaillez-vous avec les élus pour construire le budget chaque année ?
Comme vous le voyez dans le déroulement de la préparation budgétaire, les élus interviennent à plusieurs moments. En amont, pour faire part de la volonté politique sur tel ou tel projet, lors des arbitrages et bien sûr au moment du vote. Une chose est sûre, pour prendre en compte pleinement le rôle des élus, il est préférable de le voter avant le 31 décembre de l’année précédant l’exercice. Car sinon, les élus sont amenés à se prononcer sur des dépenses déjà engagées en début d’année. En général, le budget final est la traduction chiffrée de la lettre de cadrage, avec des ajustements. Le rôle des services de la collectivité est donc fondamental, car si les élus impulsent une direction ou des choix politiques, les remontées du terrain transmises par les services sont indispensables pour construire un budget techniquement pertinent. Par ailleurs, le service des finances intervient tout au long de la procédure pour maintenir une cohérence entre les recettes et les dépenses. Aujourd’hui, le budget des collectivités et notamment des départements est de plus en plus difficile à équilibrer, car nos moyens d’action sont limités : nous ne disposerons bientôt plus de levier fiscal direct, nous n’avons plus de marge de manœuvre sur nos recettes et la dette demeure un outil à manier avec d’extrêmes précautions.
Le confinement et la crise sanitaire liés au coronavirus ont-ils un impact sur les finances de votre département ?
Nous avions déjà voté notre budget avant le début du confinement, il n’y a donc pas eu d’impact pour nous sur le vote du budget. Par ailleurs, la direction des finances a pu se mettre intégralement en télétravail. Nous avons des dépenses supplémentaires liées à l’achat de masques ou de gel hydroalcoolique ou encore à la création d’une aide spécifique pour les travailleurs non-salariés, à la hausse du fonds de solidarité. Nous verrons au moment du vote du budget supplémentaire en juin les ajustements qu’il sera nécessaire d’apporter ; puis nous les complèterons en fin d’année par une décision modificative dont le calendrier nous offrira une vision plus large des impacts 2020. En revanche, nous nous préparons à une baisse significative de nos recettes, notamment les DMTO (droits de mutation à titre onéreux). On estime les pertes liées au confinement entre 20 et 30 millions d’euros. D’autres conséquences sont à prévoir, mais elles ne seront pas visibles dès 2020 : les recettes de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises risquent, elles aussi, de diminuer, les aides que nous finançons (comme le RSA) pourront être en augmentation dans les années à venir. On a aujourd’hui du mal à chiffrer précisément les conséquences budgétaires de cette crise.