Fonds de concours : faire d’un dispositif encadré un levier d’investissement pluriannuel
Les relations financières entre une communauté de communes, d’agglomération, urbaine ou une métropole avec ses communes membres sont régies par les principes (presque) incontournables de spécialité et d’exclusivité. En termes financiers, les financements croisés d’une action relevant d’une compétence municipale par son intercommunalité de rattachement, ou inversement, sont impossibles. Le recours à la solidarité intercommunale n’est ainsi pas envisageable, sauf lorsqu’il s’agit pour les communes « d'élaborer des projets communs de développement » comme en dispose le texte liminaire sur l’intercommunalité.
Mais comme impossible n’est pas français, le législateur a ouvert une exception à ce principe : le fonds de concours. Prévu par la loi, dans les dispositions qui traitent de la répartition des compétences obligatoires et optionnelles des communautés et métropoles, l’utilisation du fonds de concours est strictement encadrée. En respectant les règles, cet instrument s’avère très utile pour qu’une commune soit soutenue par son intercommunalité ou inversement pour un projet d’équipement particulier. Il peut également être utilisé dans le cadre d’un pacte fiscal et financier pluriannuel à l’échelle communautaire.
I. Le fonds de concours, un financement croisé encadré
Le fonds de concours est un instrument unique en son genre. Il ne porte en effet qu’entre un certain type de personnes publiques, pour un objet restreint et selon des modalités financières contraintes.
Le fonds de concours n’est ouvert qu’entre les communautés et les métropoles d’une part, et leurs communes membres d’autre part. Le versement d’un fonds de concours entre une commune et un syndicat intercommunal (ouvert ou fermé), un établissement public territorial ou une autre collectivité territoriale n’est donc pas possible. De la même manière, une communauté ou une métropole ne peut pas verser un fonds de concours à une autre personne publique sur ce fondement. Enfin, le versement d’une subvention, ou d’un fonds de concours déguisé en subvention, à une personne publique n’est pas non plus autorisé : les subventions sont uniquement destinées à des organismes de droit privé (sociétés, associations, etc.).
La procédure d’attribution d’un fonds de concours est limitée à un accord concordant des organes délibérants de la commune et de l’établissement public concernés. Cet accord ne peut être exprimé que par des délibérations, prises à la majorité simple. Comme l’a rappelé le juge du fond (CAA Nantes, 27 mai 2011, n° 10NT01822, Préfet de la Manche), il n’est pas possible pour une assemblée délibérante de déléguer au maire ou au président le pouvoir d’attribuer un fonds de concours. Le fait que cette délégation ne soit pas interdite par le Code général des collectivités territoriales entre un conseil communautaire et son bureau ne modifie pas cette règle.
L’objet du fonds de concours est limité à la création ou au fonctionnement d’un équipement. Si le terme « création » ne prête à aucune interprétation possible, tel n’est pas toujours le cas du « fonctionnement ». À notre sens, seule une acception stricte doit être retenue, car elle est liée à l’équipement en lui-même, et non aux activités qui s’y déroule. Dans le cas d’un gymnase par exemple, des travaux d’entretien (toiture ou parquets par exemple) peuvent faire l’objet d’un fonds de concours. En revanche, la prise en charge d’une partie de la rémunération des animateurs sportifs en est exclue.
Le montant du fonds de concours est enfin très encadré. Une communauté ne peut verser à sa commune qu’un montant maximum égal à celui réellement versé par la commune. Dès lors, les subventions versées au maître d’ouvrage ne peuvent être prises en compte dans le calcul du fonds de concours. Le bénéfice de fonds européens à un projet d’investissement vient également réduire le montant du fonds de concours que la commune ou la communauté peut verser à son partenaire. Si le maître d’ouvrage bénéficie du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée, le fonds de concours doit le prendre en compte ce qui limite son propre montant. Par dérogation (CGCT, art. L. 1615-2, al. 5), les fonds de concours versés pour des investissements de voirie sont éligibles au FCTVA.
II. Le fonds de concours : pour un investissement ponctuel comme dans le cadre de relations habituelles
Le fonds de concours est à première vue l’instrument d’un financement croisé d’un seul investissement. Il est toutefois possible de prévoir des règlements d’attribution permettant de créer des relations financières croisées dans un cadre pluriannuel.
Dans la mesure où le versement d’un fonds de concours est limité au financement de la création ou du fonctionnement d’un équipement, il n’est au premier abord destiné qu’à être un instrument de court terme et unique. Tant que les règles d’attribution sont respectées, son mode d’attribution, très libre, favorise une réactivité certaine des assemblées délibérantes pour croiser des financements et assure de rendre plus liquide des investissements.
Une délibération concordante prise à la majorité des votants respectivement du conseil municipal et du conseil communautaire, indiquant l’objet du financement d’une part et son montant d’autre part, suffit en effet à autoriser l’exécutif à mandater le versement. Comptablement, le bénéficiaire du fonds de concours l’impute dans le compte 131. Comme le juge du fond l’a découvert (CAA Lyon, 19 févr. 2008, n° 05LY01717, Commune de Lorette), le fonds de concours n’est en effet pas transférable. La délibération l’attribuant flèche ce fonds sans possibilité de le faire évoluer.
Le fonds de concours peut aussi être considéré comme un instrument s’inscrivant dans un cadre pluriannuel, s’ajoutant aux attributions de compensation.
Si la commission locale d’évaluation des charges transférées ne peut pas prévoir le versement de fonds de concours, la remise de son rapport par le président aux conseils municipaux et au conseil communautaire peut être l’occasion d’engager un débat sur la création d’un droit de tirage sur un fonds d’investissement en faveur des communes. Prenant la forme d’un pacte financier, ou s’inscrivant dans un pacte fiscal et financier, ce droit de tirage permet d’encadrer des demandes de fonds de concours dans le temps et avec un montant maximal. Sous réserve d’une interprétation contraire du juge, si ce règlement d’attribution des fonds de concours est adopté par des délibérations concordantes du conseil communautaire et des conseils municipaux, et qu’il est prévu que la sollicitation du droit de tirage soit le fait des exécutifs, le maire pourra demander à chaque fois que cela lui est possible l’attribution d’un fonds de concours.
Il est à noter que la création d’un fonds de concours à droit de tirage n’exonère pas des règles d’attribution présentées précédemment. En respectant cette règle, les communes et leurs intercommunalités peuvent utiliser cet instrument essentiel dans la réalisation de leurs politiques publiques.
Sources :