Proposition de loi visant à supprimer le sacro-saint principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables
Une proposition de loi visant à supprimer la séparation entre l’ordonnateur et le comptable dans les collectivités territoriales a été déposée à l’Assemblée Nationale le 3 octobre 2018.
En comptabilité publique, un des grands principes, réaffirmé par le décret du 29 décembre 1962 portant règlement général de la comptabilité publique, consiste en la séparation des ordonnateurs et des comptables.
Pour mémoire, à gros traits, l’ordonnateur (à savoir l’exécutif) prescrit l’exécution des recettes et des dépenses au sein de la collectivité mais ne peut pas manier les deniers publics. Quant au comptable (responsable pécuniairement et personnellement), il est le seul chargé du maniement des fonds publics en assurant le recouvrement ou le paiement, sur ordre de l’ordonnateur. Les fonctions d’ordonnateur et de comptable sont incompatibles.
Ce principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables obéit à des finalités affichées notamment de contrôle et de probité.
Les sept députés Les Républicains, auteurs de cette proposition de loi déposée le 3 octobre 2018, constatent notamment que « le principe de séparation des fonctions d’ordonnateur et de comptable, qui remonte à la révolution, apparaît comme obsolète et constitue un facteur de coûts de gestion inutiles qu’il convient de supprimer ».
Les arguments concrets à l’appui de cette « obsolescence » sont nombreux pour les auteurs du texte tels que l’excès de formalisme, la lourdeur des procédures, la redondance des tâches et des contrôles, la consommation inutile de personnel, l’inadaptation des solutions informatiques, etc.
Sa suppression permettrait, en outre, de réduire les retards de paiement auxquels sont confrontées les entreprises œuvrant pour les collectivités.
La proposition de loi vise à compléter le Code général des collectivités territoriales par un article unique selon lequel à partir de 2020 les fonctions d’ordonnateur et de comptable public seraient compatibles, la fonction comptable serait alors internalisée dans les collectivités territoriales de plus de 2 500 habitants.
Ainsi, la comptabilité publique s’organiserait autour d’un dossier permanent (par collectivité ou groupement intercommunal) et s’exercerait, tout au long de l’année, au travers d’interventions que le comptable conduirait sur place et sur pièces afin de s’assurer, notamment, de la qualité du contrôle interne budgétaire et comptable, de la fiabilité des procédures de recettes et de dépenses, éventuellement de la maîtrise des flux de trésorerie.
Dans les faits, le comptable public local deviendrait un commissaire des comptes publics locaux. Il ne prendrait plus en charge ni les titres de recettes et les mandats de dépenses, ni la comptabilité de la collectivité et n’assumerait plus les fonctions de caissier. Son action serait entièrement vouée à garantir la conformité aux règles budgétaires, à la réglementation financière, à la conformité aux principes généraux de la comptabilité d’exercice et aux normes ainsi qu’aux instructions comptables.
Selon la proposition de loi déposée le 3 octobre dernier, en fin d’exercice, le comptable public local serait tenu de rédiger un rapport annuel dans lequel il émettrait « une opinion sur la conformité réglementaire des documents produits par l’ordonnateur à son assemblée délibérante ». Ce rapport annuel ferait partie des documents obligatoires à transmettre au juge des comptes.
Un décret en préciserait les conditions d’application. À noter que la proposition de loi indique que la charge pour les collectivités serait compensée par une majoration de la dotation globale de fonctionnement émanant de l’État. Concernant l’État justement, la charge serait compensée par la mise en place d’une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs manufacturés (articles 575 et 575 A du Code général des impôts).
Il n’est pas certain que cette proposition emporte l’adhésion d’une majorité de parlementaires, le principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables étant très ancré dans la gestion comptable des collectivités. Nous sommes ici encore aux prémices d’une proposition de réforme.
Affaire à suivre donc à travers les prochains débats parlementaires.