Une administration peut-elle refuser le paiement en espèce ?
La CJUE a récemment précisé qu’un État membre de la zone euro peut obliger son administration à accepter des paiements en espèces, mais peut aussi restreindre cette possibilité de paiement pour un motif d’intérêt public.
Une telle restriction peut notamment être justifiée lorsque le paiement en espèces est susceptible d’engendrer un coût déraisonnable pour l’administration en raison du nombre très élevé de contribuables (CJUE, 26 janv. 2021, nos C‑422/19 et C‑423/19).
En l’espèce, deux contribuables en Allemagne ont proposé de payer la contribution audiovisuelle en liquide, ce qui a été refusé par les autorités allemandes. Les contribuables ont formé un recours qui a été rejeté par la juridiction allemande, conformément à l’exclusion de la possibilité de payer la contribution audiovisuelle au moyen de billets de banque libellés en euros prévue par le règlement relatif à la procédure de paiement. Toutefois, la juridiction allemande a saisi la CJUE d’une question préjudicielle.
Dans sa décision du 26 janvier 2021, la CJUE conclut, dans un premier temps, que les États membres dont la monnaie est l’euro sont compétents pour réglementer les modalités d’exécution des obligations de paiement, tant qu’il est possible, en règle générale, de payer en espèces au moyen de devises libellées dans cette monnaie. En conséquence, un État membre peut adopter une mesure qui oblige son administration publique à accepter des paiements en espèces au moyen de telles devises.
Dans un second temps, la CJUE rappelle que le cours légal des billets de banque et des pièces libellés en euros implique normalement l’obligation de les accepter. Toutefois, elle précise que cette obligation peut, en principe, être restreinte par les États membres pour des motifs d’intérêt public.
Précisément, le droit de l’Union européenne ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui exclut la possibilité de s’acquitter d’une obligation de paiement au moyen de billets de banque en euros sous réserve du respect des cinq conditions suivantes :
- la réglementation nationale ne doit pas avoir pour objet ni pour effet de déterminer le régime juridique du cours légal des billets ;
- elle ne doit pas conduire à une abolition desdits billets, notamment en remettant en cause la possibilité, en règle générale, de s’acquitter d’une obligation de paiement au moyen de telles espèces ;
- elle doit avoir été adoptée en considération de motifs d’intérêt public ;
- la restriction aux paiements en espèce doit être apte à réaliser l’objectif d’intérêt public poursuivi ;
- elle ne doit pas dépasser les limites nécessaires à la réalisation de cet objectif d’intérêt public poursuivi, en ce sens que d’autres moyens légaux soient disponibles pour s’acquitter de l’obligation de paiement.