Réduction des dépenses de fonctionnement : un rapport innovant
Le premier ministre a lancé une mission sur les finances locales menée par Alain Richard et Dominique Bur. La lettre de cadrage porte sur trois volets qui sont les nouveaux outils d'une plus grande maîtrise de la dépense locale, la révision de la fiscalité locale en lien avec la révision de la taxe d'habitation et la recherche d'un financement pérenne des allocations individuelles de solidarité.
Un rapport partiel portant sur le premier volet a été remis le 17 novembre dernier afin de préparer la réunion de la conférence nationale des territoires du 14 décembre prochain.
La réduction de 13 milliards des dépenses publiques des collectivités territoriales sur la période 2018-2022 constitue la part substantielle de ce document. Le projet de loi de programmation de finances publiques prévoit que les régions, les départements, les communes de plus de 50 000 habitants et les Établissements publics de coopération intercommunale de plus de 150 000 habitants, représentant les 2/3 des dépenses de fonctionnement locale, sont concernés par le mécanisme de contractualisation afin d'atteindre l'objectif gouvernemental. La commission préconise de remplacer le critère population pour les communes et les EPCI par un critère lié au niveau des dépenses réelles de fonctionnement. Elle considère que celui-ci est plus pertinent au regard de l'objectif gouvernemental. Elle préconise donc d'inclure dans l'ensemble des communes et EPCI réalisant 30 millions d'euros de dépenses réelles de fonctionnement, ce qui aurait pour conséquence de retenir environ 600 collectivités couvrant 75 % des DRF.
La question suivante porte sur le champ des dépenses réelles de fonctionnement à prendre en compte. La commission précise un cadre général qui consiste à considérer l'ensemble des flux réels déduction faite des atténuations de charges et de produits. Elle préconise la mise en place de nouveaux outils afin de neutraliser les flux croisés entre les communes et leurs EPCI. Elle recommande de prendre en compte les dépenses réelles réalisées sur les budgets annexes des services publics administratifs. En revanche, elle souhaite exclure les services publics industriels et commerciaux. Dans le cas contraire, il existe un risque de voir les collectivités déléguer massivement ce type de service, ce qui serait contraire au principe de libre administration des collectivités.
Les départements, au regard de la nature même des compétences exercées en matière sociale, sont traités différemment. En effet, le versement des allocations individuelles de solidarité constitue une dépense contrainte sur laquelle les départements n'ont pas la capacité d'avoir une action. Ainsi, il est proposé soit de retirer ces dépenses du champ de l'assiette des DRF, soit de les plafonner afin de gommer les différences interdépartementales.
Une fois déterminée les collectivités incluses dans le dispositif et les dépenses prises en compte, la commission propose deux scenarii. Ils reposent tous les deux sur une même stratégie de contractualisation.
Le premier cas concerne les collectivités remplissant les conditions de population ou de budget et acceptant de signer un contrat. Celui-ci serait négocié, il préciserait l'objectif d'évolution annuel des dépenses qui reposerait sur cinq critères :
- « la croissance de la population ou le nombre de logements livrés récemment ou autorisés ;
- un indicateur de structure d'âge de la population, afin de prendre en compte les effets du vieillissement de la population sur le versement de l'APA (allocation personnalisée d'autonomie) par les conseils départementaux. La prise en compte de cet indicateur serait redondante s'il était fait le choix d'agir sur l'assiette d'examen des dépenses des départements en excluant de celle-ci, en tout ou partie, les dépenses d'APA ;
- les résultats passés de maîtrise des dépenses réelles de fonctionnement ;
- un indicateur de pauvreté de la population ;
- la part de la population résidant dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ».
Ces critères permettraient de moduler les taux d'évolution des DRF afin de tenir compte de la situation particulière de chaque collectivité. La commission propose donc de bonifier le taux d'évolution de 0,25 point supplémentaire par critère à sa valeur maximale, soit un maximum de 1 %, le critère lié à l'APA étant traité à part. Une collectivité qui n'aurait pas respecté son engagement ferait l'objet d'une reprise financière correspondant à une somme représentant de 50 % à 75 % du dépassement constaté plafonné à 1 % du montant de ses recettes réelles de fonctionnement.
Le deuxième cas concerne les collectivités remplissant les conditions mais refusant de signer un contrat. En effet, pour la commission, le mécanisme doit reposer sur la liberté contractuelle des collectivités. Ainsi, elle examine le cas où une structure territoriale refuserait de signer un tel contrat. Son premier constat est qu'il n'est pas envisageable d'exclure la reprise financière dans cette situation. Cela reviendrait à donner une prime aux collectivités réfractaires. Ainsi, l'objectif d'évolution des DRF serait fixé par la loi. Dans le cadre du PLPFP, ces objectifs sont de : 1,1 % pour le bloc communal, 1,2 % pour les régions et 1,4 % pour les départements (ce taux pourrait être revu à la baisse en cas d'exclusion des AIS du champ des DRF). Cet objectif ne serait alors plus modulable. En cas de dépassement, la reprise financière serait alors de 75 % à 100 % du dépassement dans la limite de 1 à 2 % des recettes réelles de fonctionnement. Il serait donc instituer de véritables avantages aux collectivités contractantes.
Une autre piste pourrait consister à faire payer à ces collectivités une somme forfaitaire de 1 % de leurs recettes réelles de fonctionnement. Ces collectivités ne subiraient plus, de facto, de contrôle de la trajectoire de leurs dépenses.
Dans tous les cas, la reprise financière effectuée serait affectée au désendettement de l’État.
Le dernier cas concerne les collectivités non concernées par le dispositif. Pour celles-ci, la situation demeurerait inchangée par rapport à la situation antérieure. Toutefois, la commission préconise de laisser la possibilité pour ces collectivités de pouvoir quand même contractualiser avec l’État.
La différence entre les deux scenarii porte sur la date de mise en œuvre du dispositif. Dans les deux cas, les contrats seraient signés en 2018 mais alors que dans le scénario un, le mécanisme de reprise serait mis en œuvre dès 2019, dans le scénario deux, l'année 2018 serait une expérimentation, les mécanismes de reprise étant mis en œuvre en 2020.
Il convient alors de préciser la méthodologie d'application du taux d'évaluation des dépenses. Deux pistes sont envisagées. La première consiste à appliquer le taux d'évaluation aux dépenses réellement réalisées l'année précédente. Ainsi, en cas de dépassement ponctuel, une collectivité ne subirait pas de reprises cumulées les années suivantes. Ce système possède le désavantage de rendre les objectifs nationaux difficilement atteignable. La seconde consiste à fixer ab initio les montants devant être atteints chaque année du contrat. Dans ce cas, les collectivités risquent de se trouver plus lourdement sanctionnées mais l'objectif national sera plus aisément atteint. La commission envisage dans cette hypothèse et pour les collectivités ayant signées un contrat, un système de compensation. Les collectivités pourraient reporter l'année suivante, l'économie réalisée en n par rapport à l'objectif cible et déduire celle-ci de ses dépenses en n+1.
La commission rappelle enfin les mesures prises ou envisagées afin de permettre aux collectivités d'atteindre leurs objectifs en matière d'évolution de leurs dépenses.
Certaines sont collectives et d'autres seront réservés aux collectivités ayant contractualisées.
Au titre des mesures collectives, le gouvernement a souhaité offrir une stabilité des ressources des collectivités. Ainsi, le niveau de la dotation globale de fonctionnement pour 2017 devrait être fixe sur la durée du quinquennat. En outre, le montant plafond des dotations de l’État s'établira à 48,11 milliards d'euros en 2018 à 48,49 milliards d'euros en 2022.
Concernant la fonction publique territoriale, la commission préconise que les mesures réglementaires qui auraient un impact sur les dépenses de fonctionnement, tel que l'augmentation du point d'indice, soient neutralisées. En outre, il est envisagé d'accorder davantage de liberté aux collectivités dans le recrutement ou l'octroi de régime indemnitaire.
En matière de norme, la circulaire du 26 juillet 2017 du premier ministre prévoit qu'une nouvelle norme réglementaire soit accompagnée de la suppression ou de la simplification d'au moins deux normes existantes. La commission propose une clarification de cette règle avec l'ajout suivant : « les deux normes supprimées ou simplifiées doivent être une source d'économie au moins équivalente à la charge de la nouvelle de la norme ». En outre, il est proposé de généraliser le plus possible les évaluations ex ante des normes et de permettre la saisine du Conseil national d’évaluation des normes pendant la procédure parlementaire pour affiner les évaluations faites dans les projets de lois et qui ne tiennent pas compte des amendements déposés au cours des débats.
Pour les collectivités contractantes, la commission propose qu'elles puissent déroger à titre expérimental à des normes d'origine réglementaires en vue de la réalisation de projets d'aménagements. Un bilan de cette expérimentation sera fait a posteriori pour déterminer si une généralisation est à envisager.
Les collectivités contractantes pourraient bénéficier d'un accès facilité à la dotation de soutien à l'investissement, qu'elles remplissent ou non leurs objectifs nés du contrat. La commission propose de leur réserver une part, non déterminée, des 665 millions d'euros du DSIL 2018.
En outre, elle propose que les collectivités possédant des quartiers prioritaires puissent bénéficier plus aisément à la dotation politique de la ville.
Au terme de ce rapport, le dispositif de réduction des dépenses publiques locales se précisent avec un objectif de maintien de l'investissement public local et un recours à l'endettement limité. En effet, les collectivités territoriales réalisent environ 75 % de l'investissement public. Ainsi, en réduisant leurs dépenses de fonctionnement, le gouvernement espère donc un niveau d'autofinancement accru et donc un niveau d'investissement stable en diminuant le recours à l'emprunt.
Sources :
- Les enjeux de maîtrise de la dépense locale et des échanges résultant des normes – Mission Finances locales, Rapport intermédiaire, novembre 2017